André SCHMER s’est éteint à 93 ans à Ivry-sur-Seine.

Nous n’oublierons pas de sitôt la verve et la bonne humeur d’André, sa profonde humanité comme son parcours d’engagement depuis sa jeunesse,

A cette annonce, plusieurs de ses amis de l’ACER ont fait part de leur tristesse. Parmi eux, Roberto LAMPLE qui a voulu rappeler un souvenir  commun :

Nous étions  dans un collège à Evry, invités par une professeure d’histoire pour évoquer la Résistance. « Ce sont des classes difficiles », nous avait-elle prévenus. En quelques mots, il avait capté l’attention de ces jeunes lycéens. Des mots simples, clairs, chargés d’émotions, et d’humour qui, malgré les différences de générations et de culture, firent qu’à la fin il reçut une  ovation. »

Le Bureau de l’ACER présente ses sincères condoléances à Christiane et nous l’assurons de notre fraternelle amitié.

Repas des adhérents de l’ACER en 2018 auquel participaient André et Christiane

Né le 18 mai 1927, de son vrai nom Schmer Nehemiasz, il n’a qu’un an lorsqu’il se réfugie avec sa famille en France en 1928 pour fuir l’antisémitisme en Pologne. En septembre 1942, il rejoint la Résistance. Il prend le nom Étienne Dumon, il va à Lyon, puis à Grenoble où il rejoint le bataillon « Liberté carmagnole » de la Main-d’œuvre immigrée des francs-tireurs et partisans (MOI FTP). Après guerre, il devient ouvrier métallo, fraiseur à la SKF, militant syndical CGT et s’installe en 1957 à Ivry, avenue Danièle Casanova avec son épouse Christiane, employée de la Sécurité sociale. En novembre 2014, il sera fait chevalier de la Légion d’honneur.

Remise de la Légion d’Honneur à André SCHMER en 2015 à Ivry-sur-Seine


Article écrit par José FORT en 2014 après une rencontre avec André SCHMER :

« La moy, c’est quoi la moy » ? D’entrée, André SCHMER remet les pendules à l’heure. » On ne dit pas la « moy » mais la M.O.I.

Explication de l’impétrant : « Cela vient d’un copain juif qui parlait mal le français et a fait ce raccourci en établissant une liaison avec « goy». C’est aussi bête que cela. » Fermez le ban en évitant de recommencer.
André Schmer, ancien des FTP-MOI, vit avec Christiane sa compagne de toujours avenue – on ne l’invente pas – Daniel Casanova à Ivry. Sa famille juive a quitté Przemysl, en Galicie polonaise près de la rivière San, en 1928 ne supportant plus les menaces politiques (son père était communiste), le racisme, l’antisémitisme. André a un an. La famille Schmer s’installe d’abord faubourg du Temple à Paris avant de rejoindre le XXème arrondissement et sa population cosmopolite, ouvrière, fortement influencée par le Parti communiste.
Première alerte. En 1929, en pleine crise, les autorités françaises décident le retour dans leurs pays de tous les étrangers sauf ceux qui ont des enfants nés en France. Heureusement, la famille Schmer s’est agrandie avec l’arrivée d’Annette. Ils évitent ainsi l’expulsion. « Lorsque je vois agir l’actuel ministre de l’Intérieur, je me dis que rien n’a changé », soupire André à l’époque bon élève à l’école de la rue de Tlemcen, puis à celle de la rue Panoyaux. « J’étais heureux d’aller à l’école de la République où était banni le racisme. Nous voulions de toutes nos forces devenir Français. Mon père a appris la langue française en nous écoutant faire nos devoirs ».

Deuxième alerte, les lois anti juives de Pétain en 1940. André Schmer, âgé à peine de 14 ans, milite déjà à la Jeunesse communiste. Ses responsables portent des noms aujourd’hui très connus : Roger Trugnan, Henri Krasucki, Samuel Rajenski, Jean Capiévic. Roger Trugnan lui confie sa première distribution de tracts sur le boulevard Ménilmontant, de la station de métro Belleville à celle du Père Lachaise. Le texte explique aux Juifs comment résister aux lois Pétain. Il y croise une équipe distribuant « Le Pilori », un journal invitant à « casser du juif ». « J’étais le plus petit et je pouvais me glisser facilement. A proximité, des balèzes étaient prêts à me protéger. »

Troisième alerte. André est dénoncé par un camarade de classe. « Je n’ai jamais su qui a pris la décision de me faire quitter Paris pour l’Aigle dans l’Orne. On m’a simplement dit : « tu restes au vert jusqu’à nouvel ordre ». J’étais hébergé chez un notable d’origine anglaise qui, tous les dimanches, montait son cheval. Moi, je le suivais sur un mulet ». Plusieurs mois plus tard, André rentre à Paris, trouve des petits boulots dans l’imprimerie. La famille échappe à la rafle du Vel d’Hiv. Quelques jours après, André part pour Lyon avec l’assentiment de sa mère : « il faut sauver le garçon ».

Le rendez-vous est fixé au métro Madeleine. « On m’a donné des faux papiers au nom de Etienne Dumon. Je devais rejoindre à Lyon les « Compagnons de France », une organisation de jeunesse pétainiste. Il s’installe, participe aux activités. La « couverture » fonctionne sans pépin et c’est après de nombreuses discussions avec son responsable de groupe que ce dernier l’ayant testé suffisamment lui propose des distributions de tracts contre les Allemands effectuées la plupart du temps « à la volée ». Il est arrêté Place Bellecourt, relâché par miracle et évacué sur Grenoble où il est planqué dans le quartier des Eaux claires. « Je trouvais bizarre tous ces jeunes dormant la journée et disparaissant la nuit venue. » Les jeunes sont arrêtés dans une maison proche le jour de l’an 1943. André décide de « faire le ménage ». Il découvre une valise contenant des mitraillettes démontées et des détonateurs. Isy Tchernesky, grand maître d’échecs et après la Libération chargé de la rubrique échecs à « l’Humanité », récupère la valise. Plus tard, il annonce à André : « Tu rentres chez les sportifs ». André avait terminé ses classes de résistant, il devenait « sportif », c’est à dire résistant armé. Il avait 16 ans.

Il intègre un « groupe de 3 » composé de Germain, le grand gaillard et Fernand, le beau gosse avec pour chef et seul contact « petit Paul ». Missions ? Assurer les transports en développant les vols de vélos, déraillements, exécutions de collaborateurs, traîtres et officiers allemands, protection de camarades en mission toujours plus dangereuses. André évoque les rendez-vous sur les quais de l’Isère, les horreurs commises par la milice à Grenoble et son chef local Guy Eclach dit « gueule tordue », les actions armées. Il en raconte une, une seule. « Lors d’une opération contre les allemands, un de nos camarades a été blessé d’une balle à l’épaule. Il s’est adossé à une porte qui s’est ouverte. Une femme l’a accueilli puis, une fois le calme revenu, l’a accompagné jusqu’à l’hôpital de la Tronche. Elle a été dénoncée par le gardien puis a disparu. Elle a certainement été assassinée. Quant à notre copain blessé, nous avons retrouvé son corps criblé de balles dans un charnier. Décision a été prise d’éliminer le gardien de l’hôpital. L’exécution a eu lieu ».
André Schmer, dit Etienne Dumon, matricule FTP-MOI 94232, n’a plus jamais touché une arme car « un révolver, ça change un homme, ça peut le rendre fou. Nous, nous menions un combat libérateur et étions bien encadrés ».