En entrant par la porte qui donne sur la Place Gambetta, nous prenons l’allée centrale qui mène vers le Columbarium.
Le troisième monument sur notre droite rappelle le sacrifice des garibaldiens morts à «  l’Argonne et dans tous les combats pour la liberté ».
Les volontaires italiens furent nombreux à se battre en Espagne, pour la liberté et contre les troupes fascistes envoyées par Mussolini pour soutenir la rébellion franquiste. Reconnaissables à leur foulard rouge, ils s’illustrèrent avec le bataillon « Garibaldi », héros de l’indépendance italienne (1807-1882), lors de la défense de Madrid. Ce bataillon donnera son nom à la 12 Brigade Internationale, qui s’appellera la Brigade « Garibaldi » et dont le rôle fut particulièrement important lors de la bataille de Guadalajara où les troupes italiennes fascistes furent mises en déroute. Ils participèrent à toutes les grandes batailles : Jarama, Aragon, Teruel, Ebre.

Le monument qui suit est consacré aux « combattants russes tombés dans la Résistance française pour la libération au cours de la seconde guerre mondiale ». Les russes qui participèrent à la Guerre d’Espagne ne furent pas engagés dans les Brigades Internationales. C’étaient des spécialistes (tankistes, pilotes d’avion, conseillers militaires, traducteurs, …) et leur nombre ne dépassa pas les 2150. L’union Soviétique fut un des rares pays à vendre des armes à la République espagnole quand les démocraties occidentales prônaient la «  non intervention » qui de fait favorisait l’armée rebelle soutenue par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste.

Nous tournons à gauche, longeant la 88ème division et à la fin de celle-ci, nous tournons de nouveau à gauche. Dans l’allée Aguado, nous prenons l’allée centrale sur notre gauche, puis la première allée à droite et ensuite la deuxième allée. La huitième tombe est celle de Juan Negrin. Elle ne comporte pas de nom, seules ses initiales « JNL 3 février-12 novembre 1956 » figurent sur le coté droit.

 

 

Juan NEGRIN LOPEZ (1887-1956)
Fils d’une riche famille bourgeoise des Canaries, il est né en 1887 et après avoir fait des études en Espagne et en Allemagne, il devient professeur de physiologie à l’université de Madrid. Il s’intéresse peu à peu à la politique et en 1931 il  est élu député socialiste. Il devient ministre des Finances dans le cabinet de Largo Caballero, à qui il succédera le 17 mai 1937. Le 21 septembre 1938, pensant mettre fin à la présence des troupes nazies et mussoliniennes, il annonce le retrait des Brigades Internationales, sans aucune condition. Sa politique de résistance (« resistir es vencer » résister c’est vaincre), soutenue par le parti communiste espagnol, heurte de nombreux socialistes. Il sera renversé par le coup d’état de ceux qui voulaient négocier avec Franco en mars 1939. Il sera exclu du PSOE en 1946. Profondément marqué par la défaite et les polémiques qui s’en suivirent, il demandera que son nom ne soit pas inscrit sur la stèle et que l’on n’y dépose aucune fleur. Ce n’est qu’en 2008 que, symboliquement il fut réintégré au PSOE.

Nous rebroussons chemin et reprenons sur la gauche l’avenue transversale n°3. Nous passons les divisions 89, 93,94 et 97. A la fin de celle-ci, sur la gauche se trouve le monument à « la mémoire des Espagnols morts pour la liberté ».

Devant est placée une urne qui «  contient de la terre de tous les champs de bataille ainsi que des camps de concentration nazi où des milliers de républicains espagnols sont morts pour la liberté ». Elle nous remémore que, malgré l’accueil indigne du gouvernement français, de nombreux espagnols continuèrent naturellement le combat contre le fascisme en France. Défendre Madrid c’était déjà défendre Paris. Ils furent nombreux à s’enrôler dans l’armée française : les premiers chars qui arrivèrent sur la place de l’Hôtel de ville de Paris se nommaient « Madrid »,« Brunete »,« Guadalajara »,« Guernica », « Don Quijote » … et leurs équipages parlaient espagnol. Environ 1O OOO s’engagèrent dans la Résistance française. Les faits d’armes de Cristino Garcia, fusillé en 1946 par Franco en Espagne où il poursuivait la lutte, firent même l’objet d’une brochure). D’autres connurent les camps de concentration nazis (près de 7 000 à Mauthausen).

En longeant l’allée, nous arrivons au monument à la brigade du Colonel Fabien.
Là reposent les corps de deux brigadistes : le colonel Fabien et le colonel Dax.

Pierre GEORGES, dit Colonel FABIEN (Paris 1919-Habsheim 1944)
Alors apprenti boulanger, il adhère dès l’âge de 14 ans aux Jeunesses Communistes, puis il travaille comme ajusteur dans les usines de la région parisienne.
Il part pour l’Espagne le 31 octobre 1936 et réussit malgré son jeune âge (17 ans) à s’engager à Madrid dans les Brigades Internationales. Il est affecté à la Brigade « La Marseillaise », et se trouve en février 1937 à Albacete et en octobre à Cuesta de la Reina avec le grade d’adjudant affecté à l’état-major de la 14e BI, chargé de la presse. Il suit vers janvier 1938 les cours de l’école d’officiers des Brigades Internationales. Sa participation aux opérations militaires à partir de juillet 1937, en particulier en Aragon au printemps1938, lui vaut d’être blessé à trois reprises.
Rentré en France en août 1938, il est élu en avril 1939 au comité national des Jeunesses Communistes. En décembre 1939, il est arrêté, ainsi que sa femme, pour confection et distribution de tracts communistes. Il s’évade, rejoint Marseille et s’engage dans le travail clandestin. Il remonte à Paris et réalise le premier attentat meurtrier contre les troupes allemandes d’occupation en abattant un officier de la Kriegmarine, le 21 août 1941, au métro Barbès. Arrêté en novembre 1942, il réussit une nouvelle fois à s’évader et organise des maquis dans les Vosges et en Haute-Saône notamment.
Il participe à la Libération de Paris, et rassemble, pour continuer le combat contre l’armée allemande, un groupe de 500 hommes qui va être rattaché à la division Patton et engagé dans la campagne d’Alsace pendant l’hiver 1944. Son poste de commandement situé près de Mulhouse saute le 27 décembre 1944, provoquant la mort de Fabien, et de plusieurs officiers.
Nb – une station de métro de la ligne 2 et une place du 19e arrondissement de Paris portent son nom

Le lieutenant colonel DAX (1912-1944)
Sous ce nom de guerre, repose Marcel Pimpaud qui fut commissaire du bataillon « André-Marty ». Grièvement blessé, rapatrié, il séjourna à l’hôpital des brigades d’Eaubonne dont il devint directeur administratif. Il participa à la Résistance et fut le chef d’état- major du Colonel Fabien pendant l’insurrection parisienne. Il fut tué par l’explosion d’une mine en même temps que le Colonel Fabien le 27 décembre 1944.

Un peu plus loin se trouve le caveau «  des volontaires français des Brigades internationales ».
Trois corps y reposent :

 

 

Boris GUIMPEL (Paris 1911 – 1979)
Boris GUIMPEL est le fils de révolutionnaires russes en exil à Paris depuis 1905. Il fait ses études d’architecture et milite aux Etudiants Communistes.
Dès novembre 1936, il s’engage dans les Brigades Internationales, et est nommé rapidement à la tête d’une compagnie de mitrailleuses. Il prend ensuite le commandement du 10e bataillon (14e brigade). Blessé lors de l’offensive républicaine sur Ségovie en mai 1937, il devient chef d’état-major de la 14e Brigade, puis à compter de novembre 1937, de la 35e division. Là il se lit d’amitié notamment avec le Général Walter et Tadeuscz Oppman. Il quitte l’Espagne en juin 1938. Il prend ensuite sa place dans la résistance française, en se livrant à de activités clandestines dans le sud de la France. Il est introduit fin 1942 dans le commandement des FTP de la zone sud sur proposition du chef du « comité militaire zone sud », André JACQUOT, ancien des Brigades Internationales. A l’hiver 1942-43, il est nommé responsable pour la zone sud du service de renseignement des FTP, avec pour bras droit son ami T. Oppman. En octobre 1943, il devient responsable de la branche armée des FTP en zone sud. Il participe aux combats pour la libération d’Oullins et de Lyon. Officier de la 1ère armée française du général De Lattre de Tassigny, GUIMPEL commande les unités de reconnaissance du « 151e régiment d’infanterie » (ou colonne Fabien). En avril 1945, après la traversée du Rhin, il est grièvement blessé à la tête. En 1947, il quitte l’armée française avec le grade de lieutenant-colonel, et reprend son métier d’architecte. Il sera membre de la direction nationale de l’Association de Volontaires en Espagne Républicaine (AVER).

Gabriel FORT (Lyon 1898-Paris 1956)
Gabriel FORT adhère au Parti Socialiste SFIO en 1920 et au Syndicat CGT de la Métallurgie en 1927. Ayant combattu pendant la 1ère guerre mondiale, il est lieutenant de réserve d’infanterie. Il rejoint les Brigades Internationales le 8 décembre 1936. Organisateur du bataillon « Six-Février » de la 15e BI en formation, puis commandant de celui-ci, il part au front de Jarama le 7 février 1937, où il est blessé aux jambes. Après son rétablissement, il est nommé major le 1er juin. Le 6 juillet 1937, lors de la bataille de Brunete il reçoit une balle dans la tête qui lui occasionne une cécité totale. Revenu en France en juillet 1938, il fait une tournée de propagande et se rapproche du Parti communiste. Il retourne en Espagne en mars 1938 et épouse son infirmière, militante communiste espagnole. Rentré définitivement en France en novembre 1938, il continue de militer pour la cause espagnole. Il part en Union Soviétique en juin 1939 dans l’espoir, resté vain, d’un traitement médical qui lui permette de recouvrer la vue. Après son retour en France après la guerre, il anime le secours Populaire et est administrateur de l’orphelinat « la Maison des enfants de fusillés ».

Tadeuscz OPPMAN (Varsovie 1904 – Paris 1958)
Né en 1904 à Varsovie, naturalisé Français, Tadeuscz OPPMAN est avocat à la Cour d’Appel de Paris. Il combat en Espagne républicaine d’octobre 1936 à août 1938. Il appartient au Bataillon « Commune de Paris » de la 11e Brigade Internationale jusqu’à la fin de 1936. Blessé lors des combats de la cité universitaire, il fait partie de l’école de Pozo Rubio en mai 1937, et en août de l’état-major de la 13e Brigade. Il est chef d’état-major du Bataillon Dombrowski en mars-avril 1938. Fait prisonnier en 1940, il est rapatrié. Engagé dans la résistance française, il fait partie de l’état-major FTP de la zone sud. Une petite plaque de marbre noir à la mémoire de Jeanne Oppman nous rappelle que des dizaines de femmes s’engagèrent dans les Brigades Internationales. Jeanne Oppman partit en Espagne en aout 1936 pour s’engager dans les milices républicaines. Elle lutta sur le front d’Aragon, puis pendant la bataille du Jarama, elle rejoignit la 14ème Brigade Internationale où elle devint commissaire du service santé. D’autres femmes telles Yvonne Robert, Adèle Arranz, Lise Ricol, Juliette Témine, …participèrent dans les services de santé ou administratifs.

Deux sépultures plus loin se trouve la stèle du « PCF en hommage aux  immigrés de la résistance FTP-MOI ».
Les « Francs-Tireurs et Partisans-Main d’Ouvre Immigrée » étaient l’organisation du Parti communiste français pour les étrangers.
Gravés sur la stèle, deux strophes du poème «  L’affiche Rouge » d’Aragon évoquent ces 23 étrangers qui luttèrent contre l’envahisseur nazi. Parmi eux, se trouvaient l’  Espagnol d’Ivry sur Seine, Celestino Alfonso et quatre autres anciens des brigades, le   Hongrois  Joseph Boczov et les Polonais, Jonas Gedulgiq, Szlama Grzywacz et Stanislas Kubacki. De nombreux anciens volontaires firent partie des FTP-MOI transmettant leur expérience de la Guerre d’Espagne aux jeunes résistants : Marcel Langer avec sa 35ème Division (du nom de la division espagnole à laquelle il appartenait) à Toulouse, Joseph Kutin dans la région lyonnaise, Joseph Epstein, chef des FTP de la région Parisienne arrêté en même temps que Manouchian…

La neuvième tombe à partir de la stèle des FTP-MOI, à côté de celle du poète Paul Eluard qui chanta si bien l’Espagne, la Résistance, la Liberté et qui écrivit un poème sur l’Affiche rouge

« Ces étrangers d’ici qui choisirent le feu
Leurs portraits sur les murs sont vivants pour toujours
Un soleil de mémoire éclaire leur beauté »

est celle du Docteur Pierre ROUQUES (Paris 1900-1952)
Il fait ses études de médecine et devient chef de clinique à la faculté de médecine de Paris et chirurgien à l’hôpital de Créteil. Il adhère au Parti Communiste Français dès 1921, et crée à partir de 1925 des dispensaires municipaux dans les banlieues ouvrières de la région parisienne. Il contribue à la création de la polyclinique des métallurgistes « Les Bleuets » et s’intéresse aux colonies de vacances pour enfants. Il milite également dans le mouvement Amsterdam-Pleyel Dès le début de la guerre d’Espagne, il lance le mouvement d’aide sanitaire et s’y rend en octobre 1936. Il jette les bases du service de santé pour les Brigades Internationales et crée ensuite la Centrale sanitaire internationale, achète des ambulances chirurgicales et multiplie les initiatives pour venir en aide aux combattants. Il organise en France l’accueil des mutilés des Brigades et crée la Maison des blessés. Pendant la résistance, il travaille notamment au Front National des médecins et au service de santé des FTP. A la libération, il est nommé chef de cabinet du ministre de la Santé, François Billoux, et est élu Conseiller municipal du XXe arrondissement de Paris. Il était vice-président de l’Amicale des anciens volontaires français en Espagne républicaine (AVER).

Nous irons ensuite au Mur des Fédérés, là où les communards furent fusillés le 27 mai, car la Commune de Paris (mars-mai 1871) est profondément associé au combat des brigadistes. Au cimetière de Fuencarral, à Madrid, l’inscription :

« AUX VOLONTAIRES DES BRIGADES INTERNATIONALES
TOMBES EN HEROS
POUR LA LIBERTE DU PEUPLE ESPAGNOL
LE BIEN-ETRE ET LE PROGRES DE L’HUMANITE »

nous rappelle que s’il s’agissait de défendre la République espagnole, il s’agissait aussi de combattre pour les libertés, le progrès social dans un élan de solidarité internationale. Aussi n’est-il pas étonnant qu’un bataillon se nomme « Commune de Paris » et que deux autres portent le nom de deux héros de la Commune « Louise Michel » et «Dombrowski », ce général de la Commune, d’origine polonaise qui fut tué lors des combats par les versaillais. L’idéal des Communards était celui des volontaires des Brigades Internationales.

Nous quittons le Mur des Fédérés et pénétrons dans la 97ème division par l’escalier. A la 2ème travée, sur notre droite, apparait une plaque dédiée à :

Francisco LARGO CABALLERO (1869-1946)
Surnommé le « Lénine espagnol », cet ancien ouvrier devient à la chute du gouvernement Giral, en septembre 1936 ministre de la Guerre et chef du gouvernement espagnol. C’est lui qui, après s’être opposé à la création des Brigades Internationales, estimant que les volontaires étrangers devaient être engagés dans les unités espagnoles, autorise finalement leur création en octobre 1936. L’installation du gouvernement à Valence lors de l’attaque frontale à Madrid, sa mauvaise gestion en tant que ministre de la Guerre, la crise de mai 1937 provoquèrent sa chute. Il démissionna le 17 mai 1937. Déporté en Allemagne, il mourra à Paris en 1946. Inhumé au Père Lachaise, sa dépouille fut transférée à Madrid en 1978 et donna lieu à une grande manifestation.

Un tout petit peu loin, sur la droite, se trouve la tombe de :

Virgilio DIAZ (1900-1937) Trésorier du Comité international d’aide à l’Espagne républicaine qui avait pour but de venir en aide aux réfugiés en France, il est assassiné le 31décembre 1937 par un milicien anarchiste. Après avoir été exposée à la Maison de la Bellevilloise, un long cortège accompagnera sa dépouille jusqu’au Père Lachaise.

Mierczyslaw DOMANSKI-DUBOIS (Varsovie 1902- front d’Aragon 1937)

Le Docteur M. Domanski-Dubois, militant communiste, est médecin de la 14e Brigade Internationale, puis à partir du 20 mai 1937, médecin-chef de la 35e division. Il est tué à Quinto, sur le front d’Aragon le 25 août 1937. Des obsèques solennelles seront organisées au Père-Lachaise par le PCF, et une foule dense et émue viendra lui rendre hommage le 4 septembre 1937.

GERDA TARO

Fille d’immigrants juifs polonais, originaires de Galicie, commerçants de classe moyenne, Gerta Pohorylle est née à Stuttgart le 1er août 1910. Elle suit des études secondaires qu’elle complète par une année en Suisse où elle apprendra le français et l’anglais. Elle milite contre le fascisme conquérant dans des organisations proches du parti communiste allemand, ce qui lui vaudra d’être arrêtée le 18 mars 1933.
Voici le témoignage d’une de ses codétenues, Herta H…, paru dans la revue Commune de septembre 1939 :
« Gerda, avec sa robe à carreaux vifs, avec sa délicate camaraderie, avec son exquise gravité, éclairant pour nous l’affreuse grisaille de la cellule. […] Un petit visage frais et jeune, un sourire attrayant, un peu gamin, un charme singulier. « Quelle jolie petite créature, pensai-je : sa place est au grand air, elle n’a rien à faire ici ! ».
Pendant son emprisonnement, elle dirige des cours de gymnastique, organise un mouvement de protestation et trouve le moyen de correspondre avec les emprisonnées des cellules voisines…
Libérée faute de preuves et sur l’intervention du Consul de Pologne le 4 avril, elle décide alors d’émigrer à Paris où elle vivote de travaux dactylographiques.
Elle y rencontre André Friedmann, émigré hongrois récemment arrivé, photographe débutant en recherche d’emploi. Une relation amoureuse et professionnelle se noue entre eux. Attirée elle-même par la photographie, elle bénéficie des conseils et des encouragements d’André et, désormais, elle veut en faire son métier. Elle travaille dans une agence, Alliance Photo, fondée en 1934 par une de ses amies Maria Eisner.
Pour valoriser les travaux d’André Friedman, elle a l’idée d’inventer un personnage, photographe américain, qu’elle nomme Robert Capa, elle-même adoptant le nom de Gerda Taro. Son charme, sa personnalité rayonnante, – « Gerda, petite et menue, semblait fragile comme une enfant, elle semblait aussi en avoir l’insouciance tant elle était gaie. Visage fin, cheveu court, sourire splendide, Gerda, « la pequeña rubia » comme l’appelaient les soldats républicains, était la grâce même » (Henriette Nizan, Libres mémoires) – la qualité de leur travail, leur ouvrent l’accès à « VU » et à « Regards ».
Gerda Taro et Robert Capa, partent en Espagne avec Lucien Vogel, le directeur de « VU ». Ils arrivent à Barcelone le 5 août 1936.
A partir de là, ils sont sur tous les fronts, au plus près des combats : Aragon, Madrid, Jarama, Guadalajara, Brunete… Ils mettent en pratique l’adage de Robert Capa : « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près ».

Gerda Taro photographie aussi bien la guerre (les tranchées, les barricades, les combats) que la population civile face à la guerre et ses horreurs (l’exode de la population de Malaga et de sa région en février 1937 fuyant l’avancée des troupes franquistes, les cadavres de civils s’entassant dans la morgue de Valence), l’insouciance des enfants jouant à la guerre, les grands évènements comme les funérailles du général Lukacz, à Valence où se tient le IIe Congrès international des écrivains pour la défense de la culture.

Gerda avait la conviction que les perspectives de vie individuelle, que son propre avenir et celui du monde entier dépendaient de la victoire de la République espagnole sur le fascisme.
En juillet 1937, les républicains s’emparent de Brunete. Le 25, au cours de la contre-offensive franquiste, Gerda venue prendre des photos de la bataille, part rejoindre Madrid. A Villanueva de la Cañada, les troupes républicaines en retraite sont pilonnées par les avions de la Légion Condor. Mettant à profit un moment d’accalmie, elle saute sur le marchepied d’une voiture bondée, en se cramponnant à la portière. Lors d’une nouvelle attaque de l’aviation, un char républicain dans sa tentative d’échapper à l’assaut, heurte la voiture. Gerda tombe au sol. Les chenilles du char lui passent sur le bas du corps. Emmenée en ambulance à l’hôpital de l’Escurial, elle meurt le lendemain en demandant « A-t-on sauvé mes appareils ? ».
Les photos de Gerda Taro, une des pionnières du photojournalisme, ont largement contribué à sensibiliser le monde à la tragédie espagnole.

Nous n’oublierons pas sur nos joues
La trace dure de nos larmes
et dans nos yeux non plus, Gerda,
le message si clair de ta jeunesse,
de ton courage, de ton combat

Léon Moussinac

En savoir plus : On lira avec profit la biographie que lui consacre Imre Schaber : « Gerda Taro. Une photographe révolutionnaire dans la guerre d’Espagne » Editions du Rocher, 1994. 

Gerda TARO au cimetière du Père Lachaise à Paris
Le journal « Ce soir », dirigé par Aragon, prend en charge le rapatriement de Gerda et ses obsèques. Son cercueil est exposé à la Maison de la Culture, 29 rue d’Anjou, Paris (8e), le 31 juillet. Le lendemain, un cortège de près de 100 000 personnes accompagnait Gerda à sa dernière demeure : le Père Lachaise où le journal « Ce Soir » s’était assuré une concession de cent ans, non loin du mur des Fédérés. « Le peuple de Paris fit à la petite Taro un enterrement extraordinaire où toutes les fleurs du monde semblaient se donner rendez-vous », écrira Louis Aragon.

Le tombeau est l’œuvre d’Alberto Giacometti, vraisemblablement commandée par Aragon, directeur du quotidien.
Posé dessus, l’artiste y a sculpté un faucon, représentant le dieu Horus, symbole de vie et de résurrection dans l’Egypte ancienne (le sculpteur est alors dans sa période égyptienne), ainsi qu’une vasque mais elle a disparu des années plus tard.
La stèle portait l’inscription :

GERDA TARO
1911-1937
JOURNALISTE REPORTER
DE CE SOIR
TUĒE EN JUILLET 1937
SUR LE FRONT DE BRUNETE ESPAGNE
DANS L’EXERCICE DE SA PROFESSION

Celle-ci fut retirée sur ordre de la préfecture de Paris en 1942, sans doute parce que la référence à la guerre d’Espagne ne convenait pas à la politique de collaboration. Une autre inscription l’avait remplacée :

GERDA TARO
1911-1937

A noter que sur les deux inscriptions la date de naissance comportait une erreur : 1911 au lieu de 1910.

En 2022, l’ACER a fait poser sur la tombe la plaque actuelle reprenant l’épitaphe d’origine.