Si actuellement le nom de Wuhan est mondialement connu comme le point de départ de la pandémie qui affecte le monde entier et secoue nos sociétés, en 1938, dans cette ville, c’était plutôt le nom de Madrid qui était sur toutes les lèvres.

Assiégée par les troupes japonaises lors de l’invasion de la Chine, le parallèle entre les deux villes fut rapidement établi. Le slogan « Wuhan, Madrid de l’Est ! » et la chanson Défendons la grande Wuhan, dont les paroles évoquent également Madrid :

Comme les Espagnols défendent Madrid
Nous vaincrons les attaques ennemies

devint célèbre. Elle figure également dans une pièce de théâtre écrite par le grand écrivain chinois Lao She.
C’est aussi l’occasion de rappeler que quelques volontaires chinois participèrent à la guerre d’Espagne. La grande majorité des volontaires vint d’Europe et particulièrement de France. A Paris, était édité Jiu guo shi Bao (Au secours de la Patrie), qui s’adressait à cette émigration chinoise. Nous avons retrouvé cinq brigadistes chinois partis de France, dont trois étaient des ouvriers travaillant chez Renault (pour voir leur biographie, consulter notre dictionnaire-encyclopédie sur le site : https://brigadesinternationales.fr).
Deux d’entre eux, brancardiers, étaient réputés dans la XIVe Brigade Internationale : « Parmi tout le personnel sanitaire si dévoué, deux figures sympathiques s’en dégagent nettement. Ces deux personnages sont devenus légendaires dans la Brigade. L’un s’appelle Liou et l’autre répond au nom de Tchang ; si les camarades de la Brigade, qu’ils soient fantassins, artilleurs ou mitrailleurs, ne connaissaient pas les noms de ces deux camarades, ils les désignaient dans leur conversation, et avec grand respect : les Camarades Chinois.

Combien de nos camarades de la Brigade leur doivent la vie ? Combien en ont-ils emportés de blessés sous le feu de la mitraille ? Nul ne peut le dire. Mais ce que les blessés et les combattants savent : c’est qu’ils ont un grand cœur. Avec des gestes doux et des mots de réconfort, ils montrent l’exemple du dévouement.
Méprisant la mitraille, ne se cachant nullement ils font l’admiration des combattants.
Anciens ouvriers des Usines Renault à Boulogne-Billancourt, ils sont venus combattre le fascisme en Espagne.
Le corps Sanitaire de la Brigade est fier d’eux. Nous exprimons ici la gratitude de tous les combattants de la brigade en les citant en exemple : Liou et Tchang ont bien mérité du Front Antifasciste. » (Le soldat de la République, n°6 du 27 février 1937).
Par tailleur, une vingtaine de médecins brigadistes partirent en Chine. Ils furent surnommés « les médecins espagnols », même si aucun d’entre eux n’était espagnol. Le plus emblématique, le canadien Norman Bethune, un des initiateurs des unités mobiles de transfusion sanguine pendant la guerre d’Espagne, mourut à Huangshikou, victime d’une septicémie, le 13 novembre 1939.
Des champs de bataille d’Espagne à ceux de Chine, la fraternité n’était pas un vain mot !

Ramon CHICHARRO