Inauguration du Monument en hommage aux brigades internationales
Samedi 22 octobre à 11h00
Gare d’Austerlitz

Ci-dessous les discours prononcés par les personnalités invitées à participer à cet Hommage.


Discours de Catherine Vieu-Charier, Adjointe au Maire de Paris chargée de la Mémoire et du Monde Combattant

Monsieur le Maire du 13e arrondissement, cher Jérôme Coumet,
Monsieur le Sénateur de Paris, cher Pierre Laurent,
Monsieur l’Adjoint à la Maire de Paris chargé des relations internationales, cher Patrick Klugman,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le Recteur de l’Académie de Paris, (M. Pécout),
Monsieur le Ministre Conseiller, représentant M. l’Ambassadeur d’Espagne, (M. Gallegos)
Monsieur le Directeur régional Paris Rive Gauche à la SNCF, (M. Gosselin),
Madame la Secrétaire Générale de l’ACER, chère Claire Rol-Tanguy,
Mesdames et messieurs les représentants d’associations,
Mesdames et messieurs les représentants des organisations syndicales,
Mesdames et messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Permettez-moi d’excuser la Maire de Paris, Anne Hidalgo, qui n’a pas pu être présente ce matin, pour inaugurer ce monument à la mémoire des brigades internationales, ces combattants antifascistes partis en Espagne il y a 80 ans pour défendre la liberté et l’honneur de l’Europe lorsque celle-ci sombrait petit à petit dans l’une de ses pages les plus sombres.
Je veux à ce propos, remercier l’Acer, sa secrétaire générale Claire Rol-Tanguy, d’avoir avec pugnacité et détermination oeuvré pour que ce projet aboutisse.

Je remercie aussi, la SNCF, son Président Guillaume Pepy, dont je connais l’intérêt pour la mémoire et l’histoire, qui ont permis que les Brigadistes soient honorés à l’endroit même d’où ils sont partis.
Une partie de leur histoire s’est jouée ici, à Paris. De 1936 à 1938, de l’avenue Mathurin Moreau à la Gare d’Austerlitz, notre ville a accueilli, recruté et acheminé de nombreux volontaires affluant du monde entier, déterminés à se battre aux côtés des Républicains espagnols pour défendre la République martyrisée par le fascisme de Franco et de ses alliés : l’Italie mussolinienne et l’Allemagne nazie.
Ces combattants de la solidarité étaient communistes, socialistes, anarchistes ou républicains. Ils étaient ouvriers, intellectuels, paysans, employés, médecins ou encore instituteurs. Ils avaient des origines différentes, des convictions différentes, des croyances différentes. Mais un lien profond les unissait : l’amour inconditionnel qu’ils portaient pour la liberté et la justice.
Tous étaient résolus à sacrifier ce qu’ils avaient de plus cher, leur sang, leur vie, et à prendre les armes pour libérer un peuple de l’oppression fasciste, pour combattre le projet de dictature franquiste, soutenue par Mussolini et par Hitler. Tous étaient prêts à « mourir debout, plutôt que de vivre à genoux ».
Car derrière la toute jeune République espagnole d’alors, c’était un espoir, une incroyable promesse d’avenir qu’il s’agissait de sauver. Celle d’un peuple qui se dresse par et pour lui-même, pour prendre son destin en main, mener un programme de réformes ambitieuses et soulager les souffrances de deux millions de paysans sans terres, donner des droits aux sans droits, à l’image de l’espoir suscité en France par le Front Populaire.
Les brigadistes, en partant défendre la République espagnole, avait aussi en mémoire la Commune de Paris, comme en témoigne le nom du IIe bataillon de la XIe brigade franco-belge.
Ils avaient vu ce que les démocraties d’Europe refusaient officiellement de voir, se cachant derrière la tragique et honteuse politique de « non intervention ».
Ils avaient vu en la défense de l’Espagne Républicaine, la cause de l’Humanité toute entière.

On connaît le sort tragique de la Seconde République espagnole. Des divisions internes, des moments terribles de rupture et de combat fratricide entre camarades ont affaibli les Républicains espagnols. Et surtout, une république massacrée, bombardée, pilonnée, dont le plus grand symbole est le martyr de Guernica.
Mais pire encore : la toute jeune République a été lâchement abandonnée par la France et les autres démocraties européennes, pourtant elles-mêmes menacées par les mouvements fascistes et les ligues d’extrême droite. Cet abandon, est une tâche indélébile de notre histoire, un rendez-vous politique et moral manqué dans la lutte contre la montée des totalitarismes en Europe et pour la sauvegarde de la République et de son peuple.
Dans ce monde de l’entre-deux-guerres, où s’enracinaient dangereusement la barbarie nazie et les puissances fascistes sur fond de crise mondiale du capitalisme, retenons que la Guerre et ses horreurs, dont la Shoah constitue le paroxysme absolu, auraient pu être évitées si ces démocraties européennes avaient soutenu les Républicains espagnols et les brigades internationales ; si elles avaient suivi ces femmes et ces hommes lucides qui se dressaient contre l’oppression.
Mais retenons aussi que malgré la défaite républicaine de 1939 et l’internement dans les camps de ceux qui fuyaient le fascisme, la détermination des Républicains espagnols et des brigadistes volontaires est demeurée intacte. Retenons que nombre d’entre eux se sont engagés rapidement dans la Résistance à l’Occupant et au Régime de Vichy dès 1940, apportant une aide et une expérience précieuse, et allant même, pour certains d’entre eux, jusqu’à participer à la Libération de Paris, le 24 aout dans la Nueve. C’est donc aussi à la République espagnole, par-delà sa chute, et à l’apport des brigades internationales, que notre pays et les Résistance doivent en partie, la force, le courage et la ténacité du combat poursuivi pendant la Seconde Guerre mondiale pour la liberté, pour la vie.

Ce combat contre les fascismes et la barbarie, nous le pensions terminé. Malheureusement le retour d’idéologies obscures est devant nous.
Plus que jamais, notre actualité nous démontre à quel point nous avons besoin de nous souvenir de l’histoire des héros que nous honorons ce matin.
Car aujourd’hui encore, certains mouvements fascistes européens, ici même en France, empreints d’idéologie xénophobe, raciste, antisémite, et populistes, sommeillent derrière l’apparence d’un vote dit de « contestation », et ne demandent qu’à se réveiller, entraînant les femmes et les hommes sur les sentiers nauséabonds de la haine.
Aujourd’hui encore, des forces barbares et obscurantistes dans le monde, cherchent à anéantir nos valeurs.
Ces bourreaux de notre époque voudraient nous imposer de nouveau la peur et l’oppression, comme avec les attentats de Toulouse et de Montauban en 2012, ceux de Charlie, de l’hypercasher et du Bataclan en 2015, ou ceux de Saint-Etienne du Rouvray et de Nice en 2016. Il y a aussi Orlando, Beyrouth, Bamako, Bruxelles.
Je pense aussi, à tous ces pays qui flambent dans des conflits sans fin, qui jettent par-delà les mers des milliers d’hommes et de femmes sur les chemins incertains et parfois désespérants d’un exil sans espoir.
Ces drames actuels sont trop sérieux pour ne nous ne laissions l’histoire se répéter tragiquement.
Ils se nourrissent de l’ignorance, de la méconnaissance de nos blessures passées. C’est pourquoi cette cérémonie, cette reconnaissance des brigades internationales n’est en rien un acte de nostalgie, mais au contraire un acte d’histoire, d’éducation, et de transmission.
Ce que nous dit ce beau monument réalisé par l’artiste Denis Monfleur, c’est que le « NO PASARAN » de Dolores Ibarruri, la Pasionaria, résonne encore de nos jours, et qu’il souligne ce mouvement de solidarité qui a tant fait défaut aux pays européens à l’égard de l’Espagne il y a 80 ans !

Ce que nous dit ce monument, c’est que nous devons à notre tour, chacun à notre niveau, des sentinelles de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.
Tous les passants attentifs et tous les voyageurs distraits de la gare d’Austerlitz, qui regarderont cette sculpture de pierre pourront donc se rappeler la dure et héroïque expérience de ces combattants venus des quatre coins du monde, et ainsi comprendre l’impérieuse nécessité de poursuivre aujourd’hui leur engagement d’hier, pour demeurer maîtres de notre destin demain.
Je vous remercie.

 


Discours de Bertrand GOSSELIN, Directeur Régional SNCF Paris Rive Gauche, Directeur de la Ligne RER C

Monsieur l’Ambassadeur d’Espagne

Monsieur le Sénateur (Pierre Laurent)

Monsieur le Maire du 13e arrondissement de Paris (Jérôme COUMET)

Madame l’Adjointe à la Maire de Paris (Catherine VIEU-CHARRIER)

Madame la Secrétaire des Amis des Combattants en Espagne Républicaine (Madame Rol-Tanguy)

Monsieur Monfleur (artiste)

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter, au nom du Président de SNCF, la bienvenue en Gare d’Austerlitz.

Cette gare d’Austerlitz, comme beaucoup de gares, est un lieu d’histoire : Histoire du passé, du présent et de demain.

Histoire du passé d’abord, avec sa construction en 1840 c’est une page de l’histoire ferroviaire et industrielle de notre pays qui s’écrit. Une gare de pierre et de bois à son origine qui est une des premières gares à assurer des dessertes de voyageurs en reliant Paris à Juvisy. Elle sera reconstruite en 1867 et bénéficiera de la nouvelle maitrise des structures métalliques, comme nous en avons l’illustration devant nous avec cette magnifique grande halle. Puis elle sera la première gare sans vapeur, puisque dès la fin des années 20 elle bénéficiera de l’électrification de la ligne d’Orléans.

Histoire du présent, avec les milliers de voyageurs qui y transitent tous les jours, qui viennent prendre leur RER C, leur train TER ou Intercités.

Histoire du futur, enfin, avec ce vaste projet de modernisation qui a débuté et qui fait entrer la gare d’Austerlitz pleinement dans le XXIème siècle. D’ici 2020, tout sera rénové, transformé : la grande verrière, les quais, les services proposés, les déplacements et correspondances …

Lieu d’Histoire mais aussi lieu de mémoire. Mémoire à laquelle la SNCF est particulièrement sensible. Ici, en ce lieu d’histoire, différentes mémoires s’entre croisent avec l’histoire du chemin de fer et la gare d’Austerlitz porte d’ailleurs les traces de cette histoire dans les différentes inscriptions et monuments que le voyageur attentif pourra voir sur son parcours et qui rappellent, entre autres :

  • les cheminots morts pour la France lors de deux conflits mondiaux du 20e siècle
  • le souvenir des plus de 10 000 juifs qui furent conduits d’ici vers les camps de Beaune la Rolande et Pithiviers en 1941 et 1942
  • ou encore l’expérience, moins connue, du vol d’Alexandre Prince lors du siège de 1870.

La SNCF est sensible au travail de mémoire collective, et c’est ainsi qu’elle a souhaité apporter son concours à l’initiative qui nous réunit aujourd’hui, initiative :

  • promue par les Amis des Combattants en Espagne Républicaine et la CGT Cheminots
  • et soutenue par la Mairie de Paris.

L’œuvre de Denis Monfleur que nous allons découvrir dans quelques instants rappelle le souvenir des volontaires qui partirent défendre la jeune République Espagnole et défendre la liberté contre le fascisme. Elle constituera désormais une nouvelle étape dans le parcours de mémoire historique de la Gare d’Austerlitz.

Je vous remercie.

 


Discours de Claire Rol-Tanguy, Secrétaire Générale de l’ACER, fille du Colonel Henri Rol-Tanguy

Madame l’Adjointe à la Maire de Paris
Monsieur le Maire du 13ème arrondissement
Monsieur le Ministre Conseiller de l’Ambassade d’Espagne
Monsieur le Directeur de la Gare d’Austerlitz
Mesdames, Messieurs

Chers Amis,

Des anciens des Brigades Internationales nous disaient leur regret de l’absence de trace marquante de l’engagement des volontaires internationaux dans l’espace public à Paris, la capitale internationale de l’organisation de la solidarité à l’Espagne Républicaine.

Ils nous le disaient sans amertume, ce n’était pas leur genre à eux qui portaient avec une fierté tranquille le devoir de solidarité accompli envers leurs frères républicains espagnols.

C’est, bien sûr, à eux que nous pensons aujourd’hui devant l’œuvre de Denis Monfleur.

Quand nous avons commencé à mobiliser notre énergie pour concrétiser cette espérance, il nous est apparu que seule une œuvre artistique digne de notre capitale pouvait exalter leur geste magnifique.

La rencontre avec Denis Monfleur a été déterminante : son œuvre puissante, d’une grande humanité, nous a touchés ; et puis il avait été déjà confronté à l’histoire des Brigades Internationales lorsque Oscar Niemeyer, le grand architecte brésilien, lui avait confié la gravure de son dessin si poignant sur la stèle élevée en hommage aux volontaires tombés en Espagne, dans le parc du Musée de la Résistance nationale à Champigny.

Pour le lieu, nous voulions que l’ɶuvre puisse attirer le regard du plus grand nombre, qu’elle interpelle le passant : en découvrant la dédicace aux Brigades Internationales (qui sera gravée prochainement sur le socle), il chercherait peut-être à s’informer sur l’histoire de la guerre d’Espagne, de moins en moins connue du jeune public.

Très vite, le choix de la gare d’Austerlitz s’est imposé à nous comme un lieu symbolique de l’histoire des volontaires internationaux.

En effet, cette gare a constitué un point de ralliement pour le départ vers l’Espagne de nombreux volontaires : Français, immigrés ou réfugiés en France. Mais aussi celui des volontaires étrangers ayant franchi des frontières européennes ou débarqués au Havre ou à Calais pour venir s’enrôler avenue Mathurin Moreau ; ils étaient hébergés puis dirigés pour rejoindre l’Espagne grâce aux réseaux mis en place dans toute la France, principalement par la CGT et le Parti Communiste Français (dont le Secrétaire Général nous fait l’amitié d’être là aujourd’hui). Ils ont d’ailleurs laissé, au détour de leurs témoignages, une petite ligne sur la gare d’Austerlitz qui restait dans leur mémoire le moment du départ vers l’inconnu.

Nous n’avions pas imaginé à quel point les bonnes volontés, à tous les niveaux, allaient porter avec nous ce projet pour le mener à bien. Et au fil des rencontres, nous avons pu voir comment l’histoire des Brigades Internationales rencontrait encore un écho puissant et émouvant, parfois jusque dans les histoires personnelles enfouies de nos interlocuteurs.

Les volontés conjuguées et persévérantes de Madame la Maire de Paris, Anne HIDALGO –que nous assurons de notre respect et de notre affection-, de son adjointe Catherine VIEU-CHARIER, du Président de la SNCF Guillaume PEPY et de son secrétaire général Stéphane VOLANT, ont été bien évidemment décisives. De même que leurs participations financières nous ont grandement aidés, avec celle de la Ville de Tremblay-en-France. Nous leur disons toute notre gratitude, ainsi qu’à tous les contributeurs individuels et associatifs –y compris de l’étranger- qui ont répondu –ou qui répondront encore – à notre appel à la souscription.

Le Directeur de la gare d’Austerlitz, Dariush Kowsar, nous a proposé un emplacement unique, ici même, le long de la Seine. Nous ne pouvions rêver mieux.

Que tous ceux de son équipe et du Secrétariat Général de la SNCF qui ont œuvré à ce résultat en soient remerciés.

Gilbert Garrel, secrétaire général du syndicat CGT Cheminots, fut un soutien de poids : il a impulsé et suivi notre projet tout au long de ses vicissitudes, de même que nos amis de l’IHS Cheminots.

Nous sommes fiers du soutien du Comité d’établissement SNCF de Paris-Rive-Gauche qui, à l’unanimité de ses composantes syndicales, a soutenu notre projet et nous fait l’amitié d’offrir le vin d’honneur à l’issue de cette manifestation.

Je salue dans l’assemblée Philippe Martinez, fils de brigadiste, qui est là à titre personnel ; je lui adresse en sa qualité de Secrétaire Général de la CGT nos chaleureux remerciements pour la fidélité de son organisation à la mémoire des volontaires en Espagne Républicaine. Il est vrai qu’une écrasante majorité des volontaires français était adhérente à la CGT au moment du départ. Philippe Martinez va devoir nous quitter rapidement pour une raison qui l’honore lui et la CGT ; en effet, il part débattre à Saint-Nazaire du devoir de mémoire, de la place des jeunes dans la bataille des idées dans les entreprises face à la montée du Front National.

On se demande encore à l’ACER comment nous aurions fait sans l’aide de Robert HERITIER, à qui nous exprimons toute notre gratitude. Il a mis d’emblée ses compétences d’architecte au service de notre association, et s’est investi totalement pour résoudre toutes les questions techniques et administratives soulevées par l’implantation d’une sculpture monumentale dans l’espace protégé de la gare. Lui aussi a été conquis par l’œuvre de Denis Monfleur.

Car nous n’avions pas imaginé projet si magistral.

C’est le génie artistique de Denis qui nous a proposé cette sculpture à laquelle nous avons adhéré complètement tout au long de sa gestation et de sa taille directe par l’artiste dans un bloc de lave de Chambois, ce matériau de la chambre magmatique du cœur de la terre, au grain si fin et pourtant indestructible.

Dès nos premiers échanges, il nous avait dit son admiration pour tous ces jeunes gens plein d’enthousiasme venus de toute l’Europe et même au-delà, partis pour se construire ailleurs. Il nous a dit vouloir exprimer par une silhouette un élan, un arrachement à sa condition.

Il n’a pas voulu donner une forme humaine qui se rapporte à un individu, mais au contraire évoquer l’anonymat de ces volontaires – d’une individualité qui se fond dans la masse.

Avec Jean SEMBEL, exploitant à Mazayes d’une carrière de lave au pied du Puy-de-Dôme, ils ont mis un an à trouver le bloc intègre de près de 10 tonnes qui fait qu’aujourd’hui nous nous trouvons devant une sculpture d’un volume de plus de 6 tonnes ; c’est en soi un événement artistique puisqu’il n’y a pas d’équivalent de la pose d’un tel monobloc à Paris depuis 150 ans. Que toute l’équipe de l’entreprise, de ses ingénieurs aux ouvriers, soient remerciés de leur collaboration.

Partout, nous avons rencontré des gens conscients de participer à un projet exceptionnel destiné à rendre hommage à des hommes et des femmes qui avaient tout quitté pour lutter pour leurs idées de liberté et de fraternité.

L’exemplarité de l’engagement des brigadistes internationaux touche encore aujourd’hui : assurément tous animés par l’antifascisme et une certaine idée de la République, de la démocratie et des valeurs de liberté et de justice sociale.

En France, c’est la génération du Front Populaire engagée dans la vie politique et syndicale pour une vie meilleure, déjà en lutte contre le fascisme qui avait tenté son coup de force à Paris en 1934, qui a été en première ligne de la solidarité à la République espagnole.

Issus du monde ouvrier dans une écrasante proportion, les volontaires, qu’ils soient communistes socialistes, syndicalistes, anarchistes, radicaux, sans parti, se sentaient en communion avec le peuple espagnol pour la défense de sa jeune République émancipatrice.

La défaite de la République espagnole fut le coup de grâce porté aux chances de paix que les peuples réclamaient, mais pour éviter la guerre, il aurait alors fallu aider la République dès le début.

Jusqu’à la victoire finale sur le fascisme, on retrouvera où qu’ils se trouvent dans le monde des anciens brigadistes en première ligne pour le combat libérateur.

Jusqu’au terme de leur vie, leur foi inébranlable dans la liberté en fera souvent des militants de la paix : en France pour la paix en Algérie, aux USA pour la paix au Vietnam, en Israël pour la paix au Moyen Orient ; ils seront partie prenante de luttes syndicales pour le respect des travailleurs, ou dans la vie politique pour la démocratie.

D’un esprit d’ouverture formidable sur le monde, ils auront prouvé que l’on peut subir des désillusions sans renier ses idéaux.

Et toujours ils diront avoir gardé une place particulière dans leur cœur pour l’Espagne et son peuple.

Des amis et familles de brigadistes sont ici bien représentés et nous en sommes très heureux ; parmi eux, notre ami Vincent Almudever, milicien engagé dans l’armée républicaine espagnole, et frère de Joseph de la 129e Brigade Internationale, actuellement en Espagne pour témoigner encore et toujours de son engagement. Mais aussi les enfants de l’allemand Frantz Anker, des polonais Roman Leszcz et Emanuel Mink, des  français Georges Colombier et Robert Léger, de l’américain Clarence Kailin, des descendants de l’algérien Rabbah Oussidhoum,  des enfants de Garibaldiens, et bien d’autres encore.

De nombreux représentants d’associations de l’exil espagnol en France et des guérilleros sont parmi nous : je leur adresse nos chaleureuses amitiés.

Cette cérémonie est aussi un rendez-vous international avec de nombreux amis venus d’Allemagne, de Grande-Bretagne et d’Irlande, des Etats-Unis d’Amérique, de Hollande, du Danemark, de Russie.

Nous avons reçu des messages de Belgique, de Samara en Russie, de Pologne. Aujourd’hui même se tient une manifestation à Varsovie pour refuser que des rues au nom de brigadistes soient débaptisées. Le révisionnisme historique sévit encore en plein cœur de l’Europe.

Le message de la Maire de Madrid –qui nous transmet ses meilleurs vœux en son nom, celui du Conseil municipal et de toute la population madrilène- nous touche particulièrement.

D’Espagne aussi, sont venus de nombreux amis et nous saluons la présence de la Présidente de l’Associacion de los Amigos de las Brigadas Internacionales.

Des messages de solidarité et d’affection nous sont parvenus de la part de militants de la mémoire historique et d’historiens espagnols. Ils ɶuvrent avec ténacité à restituer à leurs concitoyens l’histoire enfouie de la IIe République mais qui, inexorablement, refait surface. Ils réinterrogent les caricatures et les mensonges qui ont entouré trop longtemps l’histoire de la guerre. Et à l’ouverture de fosses communes, on commence à retrouver les traces mêlées d’Espagnols et de brigadistes qui reposent encore nombreux dans cette terre.

Une fraternité unique –internationaliste- nous réunit tous par-delà les frontières, les années, les trajectoires personnelles. Nous partageons

  • la même volonté de lutter contre l’oubli de cette période de l’histoire du monde que nous partageons,
  • la même volonté de rappeler le sens du combat de nos aînés aux jeunes générations,
  • la même volonté de rester vigilants ensemble devant les nouvelles menaces qui se multiplient dans le monde contre la liberté et la démocratie.

Mythe – légende – ces qualificatifs donnés aux Brigades Internationales reviennent souvent parce qu’ils correspondent dans l’imaginaire collectif à ce moment exceptionnel.

Nous ne concevons pas pour autant notre rôle d’association mémorielle comme étant d’entretenir le mythe ou la légende : nous voulons par-dessus tout mettre en pleine lumière, sans tabou, des noms, des histoires individuelles, ainsi que les engagements et les valeurs que portaient ces hommes et ces femmes d’un courage et d’une volonté inouïs.

Nous le faisons avec la conviction profonde de servir ainsi le temps présent, à un moment où nous avons tant besoin d’une Europe généreuse et lucide, d’une Europe fraternelle et solidaire avec tous les peuples.

Merci Cher Denis Monfleur.

Merci à tous pour votre présence.