Découvrez le portrait de gerda taro

Fille d’immigrants juifs polonais, originaires de Galicie, commerçants de classe moyenne, Gerta Pohorylle est née à Stuttgart le 1er août 1910. Elle suit des études secondaires qu’elle complète par une année en Suisse où elle apprendra le français et l’anglais. Elle milite contre le fascisme conquérant dans des organisations proches du parti communiste allemand, ce qui lui vaudra d’être arrêtée le 18 mars 1933.
Voici le témoignage d’une de ses codétenues, Herta H…, paru dans la revue Commune de septembre 1939 :
« Gerda, avec sa robe à carreaux vifs, avec sa délicate camaraderie, avec son exquise gravité, éclairant pour nous l’affreuse grisaille de la cellule. […] Un petit visage frais et jeune, un sourire attrayant, un peu gamin, un charme singulier. « Quelle jolie petite créature, pensai-je : sa place est au grand air, elle n’a rien à faire ici ! ».
Pendant son emprisonnement, elle dirige des cours de gymnastique, organise un mouvement de protestation et trouve le moyen de correspondre avec les emprisonnées des cellules voisines…
Libérée faute de preuves et sur l’intervention du Consul de Pologne le 4 avril, elle décide alors d’émigrer à Paris où elle vivote de travaux dactylographiques.
Elle y rencontre André Friedmann, émigré hongrois récemment arrivé, photographe débutant en recherche d’emploi. Une relation amoureuse et professionnelle se noue entre eux. Attirée elle-même par la photographie, elle bénéficie des conseils et des encouragements d’André et, désormais, elle veut en faire son métier. Elle travaille dans une agence, Alliance Photo, fondée en 1934 par une de ses amies Maria Eisner.
Pour valoriser les travaux d’André Friedman, elle a l’idée d’inventer un personnage, photographe américain, qu’elle nomme Robert Capa, elle-même adoptant le nom de Gerda Taro. Son charme, sa personnalité rayonnante, – « Gerda, petite et menue, semblait fragile comme une enfant, elle semblait aussi en avoir l’insouciance tant elle était gaie. Visage fin, cheveu court, sourire splendide, Gerda, « la pequeña rubia » comme l’appelaient les soldats républicains, était la grâce même » (Henriette Nizan, Libres mémoires) – la qualité de leur travail, leur ouvrent l’accès à « VU » et à « Regards ».
Gerda Taro et Robert Capa, partent en Espagne avec Lucien Vogel, le directeur de « VU ». Ils arrivent à Barcelone le 5 août 1936.
A partir de là, ils sont sur tous les fronts, au plus près des combats : Aragon, Madrid, Jarama, Guadalajara, Brunete… Ils mettent en pratique l’adage de Robert Capa : « Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c’est que vous n’êtes pas assez près ».

Gerda Taro photographie aussi bien la guerre (les tranchées, les barricades, les combats) que la population civile face à la guerre et ses horreurs (l’exode de la population de Malaga et de sa région en février 1937 fuyant l’avancée des troupes franquistes, les cadavres de civils s’entassant dans la morgue de Valence), l’insouciance des enfants jouant à la guerre, les grands évènements comme les funérailles du général Lukacz, à Valence où se tient le IIe Congrès international des écrivains pour la défense de la culture.

Gerda avait la conviction que les perspectives de vie individuelle, que son propre avenir et celui du monde entier dépendaient de la victoire de la République espagnole sur le fascisme.
En juillet 1937, les républicains s’emparent de Brunete. Le 25, au cours de la contre-offensive franquiste, Gerda venue prendre des photos de la bataille, part rejoindre Madrid. A Villanueva de la Cañada, les troupes républicaines en retraite sont pilonnées par les avions de la Légion Condor. Mettant à profit un moment d’accalmie, elle saute sur le marchepied d’une voiture bondée, en se cramponnant à la portière. Lors d’une nouvelle attaque de l’aviation, un char républicain dans sa tentative d’échapper à l’assaut, heurte la voiture. Gerda tombe au sol. Les chenilles du char lui passent sur le bas du corps. Emmenée en ambulance à l’hôpital de l’Escurial, elle meurt le lendemain en demandant « A-t-on sauvé mes appareils ? ».
Les photos de Gerda Taro, une des pionnières du photojournalisme, ont largement contribué à sensibiliser le monde à la tragédie espagnole.

Nous n’oublierons pas sur nos joues
La trace dure de nos larmes
et dans nos yeux non plus, Gerda,
le message si clair de ta jeunesse,
de ton courage, de ton combat

Léon Moussinac

En savoir plus : On lira avec profit la biographie que lui consacre Imre Schaber : « Gerda Taro. Une photographe révolutionnaire dans la guerre d’Espagne » Editions du Rocher, 1994. 

Gerda TARO au cimetière du Père Lachaise à Paris
Le journal « Ce soir », dirigé par Aragon, prend en charge le rapatriement de Gerda et ses obsèques. Son cercueil est exposé à la Maison de la Culture, 29 rue d’Anjou, Paris (8e), le 31 juillet. Le lendemain, un cortège de près de 100 000 personnes accompagnait Gerda à sa dernière demeure : le Père Lachaise où le journal « Ce Soir » s’était assuré une concession de cent ans, non loin du mur des Fédérés. « Le peuple de Paris fit à la petite Taro un enterrement extraordinaire où toutes les fleurs du monde semblaient se donner rendez-vous », écrira Louis Aragon.

Le tombeau est l’œuvre d’Alberto Giacometti, vraisemblablement commandée par Aragon, directeur du quotidien.
Posé dessus, l’artiste y a sculpté un faucon, représentant le dieu Horus, symbole de vie et de résurrection dans l’Egypte ancienne (le sculpteur est alors dans sa période égyptienne), ainsi qu’une vasque mais elle a disparu des années plus tard.
La stèle portait l’inscription :

GERDA TARO
1911-1937
JOURNALISTE REPORTER
DE CE SOIR
TUĒE EN JUILLET 1937
SUR LE FRONT DE BRUNETE ESPAGNE
DANS L’EXERCICE DE SA PROFESSION

Celle-ci fut retirée sur ordre de la préfecture de Paris en 1942, sans doute parce que la référence à la guerre d’Espagne ne convenait pas à la politique de collaboration. Une autre inscription l’avait remplacée :

GERDA TARO
1911-1937

A noter que sur les deux inscriptions la date de naissance comportait une erreur : 1911 au lieu de 1910.

En 2022, l’ACER a fait poser sur la tombe la plaque actuelle reprenant l’épitaphe d’origine

TOMBE DE GERDA TARO AU CIMETIère du père lachaise

Notre association, en accord avec la Conservation du cimetière et la Mairie de Paris, a fait graver sur une plaque posée sur la tombe l’épitaphe originale de 1937, supprimée en 1942 par le régime de Vichy.

 

EMPLACEMENT DE LA TOMBE DE GERDA TARO